Tout d’abord,
voici le texte en question :
Καλλίκλης
οὐκ οἶδ᾽ ἅττα
σοφίζῃ, ὦ Σώκρατες.
Σωκράτης
οἶσθα, ἀλλὰ ἀκκίζῃ,
ὦ Καλλίκλεις: καὶ πρόιθί γε ἔτι εἰς τὸ ἔμπροσθεν, ὅτι ἔχων ληρεῖς ἵνα εἰδῇς ὡς
σοφὸς ὤν με νουθετεῖς. οὐχ ἅμα διψῶν τε ἕκαστος ἡμῶν πέπαυται καὶ ἅμα ἡδόμενος
διὰτοῦ πίνειν;
Καλλίκλης
οὐκ οἶδα ὅτι
λέγεις.
Certains
pensent qu’il est mieux de lire : ὅ τι ἔχων(Heindorf) , et d’autres, comme
Alfred Croiset, τί ἔχων.
Pour les uns,
il faut placer ὅτι ἔχων ληρεῖς exactement là où il se trouve dans le texte,
c'est-à-dire, entre ἔμπροσθεν et ἵνα εἰδῇς, tandis que pour d’autres, sa place
se trouve après la réponse de Calliclès οὐκ οἶδα ὅτι λέγεις. Alfred Croiset,
s’inspirant de Badham qui « haec Callicli tribuit » le place
bien entre ἔμπροσθεν et ἵνα εἰδῇς, mais attribue ces paroles, non à Socrate,
mais à Calliclès. Et puis, il y en a d’autres qui l’ignorent tout simplement.
D’ailleurs, pour AP Lemercier, ὅτι ἔχων
ληρεῖς est un passage corrompu.
Voyons maintenant
quelques traductions. Tout d’abord, celle de Victor Cousin(Bossange
frères – Paris)
Calliclès
Je ne sais
quels raisonnements captieux tu emploies, Socrate.
Socrate
Tu le sais
très bien ; mais tu dissimules, Calliclès, assurément. Avançons, car tout ceci
n'est qu'un badinage de ta part; il faut que tu voies combien en effet ta
sagesse te donne le droit de me reprendre. Ne cesse-t-on pas en même temps d'avoir
soif et de sentir le plaisir qu'il y a à boire?
Calliclès
Je n'entends
rien à ce que tu dis.
Une autre
traduction, est celle d’Alfred Croiset et de Louis Bodin(collection Budé –
1984)
Calliclès
Je ne
comprends rien à tes sophismes, Socrate
Socrate
Tu comprends
fort bien, Calliclès ; seulement, tu fais l’ignorant. Mai continuons
d’avancer
Calliclès
Où tendent
ces sornettes ?
Socrate
A te
démontrer quel habile homme tu es, toi qui me reprend. N’est-il pas vrai qu’au
moment où nous cessons d’avoir soif, chacun de nous cesse de prendre plaisir à
boire ?
Calliclès
Je ne sais
ce que tu veux dire
Et pour terminer, une traduction
en Anglais, celle de W.R.M. Lamb(Cambridge, MA, Harvard University Press;
London, William Heinemann Ltd. 1967)
CalliclesI cannot follow these subtleties of yours, Socrates.
Socrates
You can, but you play the innocent, Callicles. Just go on a little further, that you may realize how subtle is your way of reproving me. Does not each of us cease at the same moment from thirst and from the pleasure he gets by drinking?
Callicles
I cannot tell what you mean.
I cannot tell what you mean.
Vous auriez noté le
choix de Lamb, d’ignorer complètement ὅτι ἔχων ληρεῖς dans sa traduction.
Par conséquent, comme nous le
constatons, ce n’est pas chose simple de situer ὅτι ἔχων ληρεῖς, dans ce texte
de Platon. Chacun y va à sa manière.
Pour ma part, je préfère lire, avec
A. Croiset : τί ἔχων ληρεῖς, et placer ces paroles dans la bouche de
Calliclès, qui tout au long de son intervention a toujours reproché à Socrate
de dire des niaiseries, de délirer. Cf 481b où Calliclès demande à Socrate s’il
est sérieux ou pas. Voir aussi :
489b, 491d, (« tu dis folie sur folies »), 497b, etc.
Et voilà la réponse de
Socrate : « ἵνα εἰδῇς ὡς σοφὸς ὤν με νουθετεῖς » litt. « Pour que tu vois combien sage
étant, me reprenant »
ὡς σοφὸς ὤν , Socrate fait
allusion à la sagesse de Calliclès . Cf 487a, « Je rencontre des gens qui
ne sont pas capables de m’éprouver, faute d’être savant comme tu l’es. Voir
aussi 486d, e, etc.
Je ne saurais terminer cette brève
étude sans vous livrer ma traduction personnelle. J’ai essayé de la rendre
moderne et vivante. A vous d’en juger !!
Calliclès - Tout ce discours
philosophique, me dépasse, Socrate,
Socrates - Rien ne te
dépasse, Galliclès, c’est tout simplement que tu joues à l’ignorant.
Calliclès : Pourquoi délires-tu
ainsi(τί ἔχων ληρεῖς ;)
Socrate : Pour te permettre de
tester ta sagesse dans ce face à face. D’ailleurs, n’est-il pas vrai que le fait d’étancher notre
soif, nous prive, en même temps, du plaisir de boire ?
Calliclès - Alors là, je suis perdu
!
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