mardi 20 octobre 2015

Imprécations de Didon à Enée / Thème grec de Manuel Sainte-Claire



“Va, je ne te tiens point ! va, va, je ne réplique 
A ton propos, pipeur ; suis la terre italique.
J’espère bien enfin, si les bons dieux, au moins, 
Me peuvent être ensemble et vengeurs et témoins, 
Qu’avec mille sanglots tu verras ton supplice, 
Que le juste destin garde à ton injustice”

                                                                               Jodelle



Traduction

Διδοῦς κατάραι πρὸς τον Αἰνείαν

"Πορεύου, οὐ κατέχω σε, πορεύου, πορεύου, πρὸς τὸν λόγον σου οὐκ ἀνταποκρίνομαι, δολερός· τῇ Ἰταλικῇ γῇ ἕπου. Τέλος δ' ἐλπίζω δή γε ἐάν γοῦν οἱ θεοὶ ἅμα δυνῶνταί μοι ἐκδικοί τε καὶ μάρτυροι εἶναι, μετὰ μυρίων στεναγμῶν τὴν τιμωρίαν σου βλέψεις ἣν ἡ ἔνδικος τύχη τῇ ἀδικίᾳ σου τηρεῖ"

mercredi 30 septembre 2015

Que reste t-il, au Vauclin, des bijoux de l'impératrice Joséphine ?




   L'impératrice Joséphine a hérité de sa mère, Mme de la Pagerie, une collection de bijoux en or  et d'argenterie d'une très grande valeur. L'historien, J. Rennard, nous apprend, qu'après la mort de Joséphine en 1814  une partie de cet héritage, a été transférée au Vauclin. Evidemment, nous aurions aimé savoir où exactement au Vauclin, au moins dans quel quartier de la commune. Mais enfin, qu'importe, puisque de toute manière, il est peu probable qu'il reste encore au Vauclin quelque chose de ce trésor, à moins que Mr Charles Tascher de la Pagerie à qui ce trésor avait été confié n'ait eu l'idée de l'enfouir dans la terre, sous la bonne garde d'un fromager ou d'un esclave, selon certains récits antillais sur l'esclavage.

   Voici donc,  dans son intégralité le texte de J. Rennard : "Après la mort de Joséphine, le 11 Avril 1815, Henri Berdot, fondé de pouvoir du Prince Eugène, et de la reine Hortense, en présence de M. le baron Charles Tascher de la Pagerie, chef d'escadron, domicilié au Vauclin, fit un nouvel inventaire de l'habitation. Il est sensiblement le même que celui qui fut fait à la mort de sa mère. On y remarque seulement qu'une partie des bijoux et de l'argenterie a été transportée au Vauclin, chez M. Tascher..." 


Manuel Sainte-Claire

 

Référence 

G.G., Rennard J. Mélange. in : Revue d'histoire des colonies, tome 36 -1949 






mardi 29 septembre 2015

La leçon donnée à la mouche par la fourmi / Thème grec de Manuel Sainte-Claire




La leçon donnée à la mouche par la fourmi 

 Quand Phébus régnera sur un autre hémisphère.
 Alors je jouirai du fruit de mes travaux :
 Je n'irai, par monts ni par vaux,
 M'exposer au vent, à la pluie ;
 Je vivrai sans mélancolie.
 Le soin que j'aurai pris, de soin m'exemptera.
 Je vous enseignerai par là
 Ce que c'est qu'une fausse ou véritable gloire.
Adieu, je perds le temps : laissez-moi travailler


Traduction 

Πῶς  ὁ μύρμηξ τὴν μυῖαν διδάσκει.

Ὅταν δ' ὁ Φοῖβος ἐπ' ἕτερον ἡμισφαίριον βασιλεύση, τότε τῷ μισθῷ τῶν πόνων μου χρήσομαι· πανταχοῖ οὐ μὴ διέρχωμαι ἕτι ἐν ἀνέμῳ καὶ ὑετῷ εἶναι· χαίρων δὴ ζήσομαι· σπουδασάμενος γὰρ οὐδέν μοι μελήσει· καὶ οὕτω διδάζω σε ψευδῆ καὶ ἀληθινὴν δόξαν διακρῖναι. Χαῖρε· τὸν χρόνον ἀναλίσκω· ἐργάσασθαι ἕασόν με


Charles Davidas : Un révolutionnaire vauclinois, par Manuel Sainte-Claire



   
   Aujourd'hui, très peu de Vauclinois se souviennent de Charles Davidas, et beaucoup n'ont peut-être jamais entendu parler de lui. Aucune rue du Vauclin ne porte, malheureusement, son nom.

   Charles Davidas était membre de l'OJAM(Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste de la Martinique), créée le 30 Septembre 1962 et dont le but était "l'écrasement définitif du colonialisme dans la lutte de libération de la Martinique".
   
   Suite à des rumeurs, les membres de cette organisation ont fait l'objet de perquisitions, arrêtés, puis emprisonnés.
   
   Charles Davidas a été arrêté, et a d'abord été incarcéré à la prison de Fort-de-France(au 118), le 11 Avril 1963, Transféré en France, à la prison de la Santé, il a été libéré le 3 Mai 1963.


   Après le jugement du 10 Décembre 1963, ses camarades de la prison de Fresnes sont relaxés par la justice, et Charles Davidas est rapatrié en Martinique, et retrouve sa commune du Vauclin.

    Sur la photo qui date de Décembre 1963, on voit Charles Davidas au centre, en compagnie de ses camarades : Anglionin, Riam, René-Corail et Sainte-Rose. Ils sont dans la salle à manger du bateau qui les ramène en Martinique.

Référence 

Source : Gesner Mence, L'affaire de l'OJAM, 2001


dimanche 27 septembre 2015

Le gisement archéologique de Paquemar / Vauclin(Martinique) par Manuel Sainte-Claire

L'habitation Paquemar au début du 20è siècle


Je dédie cette étude à la famille PAQUEMAR du Vauclin


   La région du Vauclin est bien connue pour ses nombreux sites archéologiques de la période esclavagiste et post-esclavagiste, et même de la période pré-colombienne, comme l'atteste le P. Pinchon. 

   De Paquemar, en remontant vers le Nord, les sites archéologiques, écrit le Père Pinchon, sont très nombreux. "Nous en avons découvert en 1949 et 1950 à Massy-Massy, ainsi qu'auprès de la mare de Château-Paille, et sur le plateau avoisinant"

   Mais c'est le site de Paquemar qui possède le gisement archéologique le plus riche. A ce propos, voilà ce qu'en dit le P. Pinchon :

   "Le gisement le plus typique de cette civilisation Karib est incontestablement celui de Paquemar, situé le plus au sud de l'île. Le village était bâti au niveau de la mer, tout près de la rivière du même nom, dans le fond d'une anse bien abritée. Il constitue l'habitat le plus important de cette époque"

   L'habitation Paquemar se situe entre le Vauclin et le Marin, à environ 2 Km après le bourg du Vauclin. 

  Sur l'origine même du nom Paquemar, nous n'en savons rien. Nous n'en avons aucune indication précise dans les archives. Nous avons donc essayé de comprendre quel pouvait être l'origine de ce nom. Nous savons que la Martinique a d'abord été colonisée par les Espagnols, au début du 16è siècle. La colonisation française a commencé beaucoup plus tard, au 17è siècle. Par conséquent, Il est probable qu'on ait eu, à l'origine, "parque del mar", indiquant l'emplacement d'un arsenal. C'est le sens du mot "parque" en espagnol. Dans sa forme abrégée, on serait arrivé à "parque mar" en deux mots, puis à "parquemar". Sous l'influence du français et aussi du créole, on aurait assisté à la chute du premier "r", et de "parquemar" on serait passé à "paquemar",(Comparez le créole "Paquema" ou le "r" final a, lui aussi,  totalement disparu)  puis probablement dans une tentative de francisation du mot,  à "paquemart", comme cela est attesté au début du 18è siècle, et finalement à la forme "Paquemar" que nous avons actuellement.   Mais ce n'est là qu'une hypothèse, qui nous paraît quand même assez probable.    

  Certains attribuent la construction de Paquemar à l'oeuvre des Jésuites. Mais, il n'existe aucune certitude historique quant à cela. Par contre, ce qui est sûr, c'est que Moreau du Temple, ingénieur et géographe du roi, signale l'habitation Paquemar, sur une carte dessinée en 1770 et dans son ouvrage "Histoire des Paroisse" J. Rennard parle d'une revendication, en 1712, des  "habitants... du Vauclin et de Paquemart"(avec bien un "t" final), pour la création d'une nouvelle paroisse au Vauclin. 

 Le lieu aurait d'abord été habité par les Amérindiens, avant l'installation des colons au cours du 16è siècle, et ensuite par les esclaves africains. 

   Pour ce qui est du patronyme Paquemar,  nous avons observé que ce nom de famille semble inconnu en France métropolitaine, jusqu'à la fin du 19è siècle, début 20è, à peu près. Donc, il nous semble fort peu probable qu'il soit d'origine française. 
En revanche, ce nom de famille est assez fréquent en Martinique, et principalement dans la partie sud de l'île(Vauclin, Marin). D'ailleurs, d'après nos recherches, ce patronyme ne serait associé, au 19è siècle qu'au seul territoire français de la Martinique.  Donc, en dehors de toute preuve historique évidemment, nous pensons qu'il aurait été attribué à des esclaves habitant sur l'habitation lors de leur affranchissement, avant 1848 ou  à partir de cette date au moment de l'abolition de l'esclavage. 

  En 1822, Félix Renouard recense à Paquemar une sucrerie appartenant aux frères Perpigna. 
Au début du 20è siècle, avec sa distillerie et ses nombreux ouvriers agricoles, l'habitation Paquemar, gérée par la famille Asselin, était encore très vivante. Aujourd'hui,  l'activité économique de Paquemar tourne autour de l'agriculture, mais principalement autour de l'exploitation de sa carrière. 


Maison appartenant à la famille Asselin à Paquemar


   En décembre 1938, M. E Revert, accompagné du R.P Delawarde, et de Mr. Guy de Reynal, recueille sur l'habitation Paquemar quelques pièces fort intéressantes. Cette première fouille, qui en réalité, n'était qu'une "prospection légère au cours d'une promenade", comme le dit Mr. De Reynal,  puisqu'elle n'a été faite qu'en surface dans la terre végétale, à une profondeur inférieure à 20cm, et n'a duré que quelques heures, sera suivie par d'autres fouilles, beaucoup plus longues, réalisées par le P. Pinchon. 


  Le gisement de Paquemar, selon les informations fournies par  Mr Revert  "se trouve à une centaine de mètres de la route coloniale et occupe la partie centrale d'un champ labouré où l'on aperçoit une légère élévation de terrain de 30 à 40 cm parsemée de nombreux coquillages de toutes grosseurs, sans que l'on puisse parler pour cela d'un véritable amas coquiller." 

  Les pièces recueillies en 1938, sont tout simplement des débris d'objets de la vie quotidienne. Ce sont des restes de poterie, de céramique, très remarquables d'ailleurs,  diverses figurines, des outils en pierre ou fabriqués à partir de conques de lambis, des fragments de statuettes, des morceaux de carafes, de vases, des pesons de fuseaux, etc.

  Vu la richesse du site, nous supposons que le choix des pièces recueillies n'a pas été facile. Le choix s'est porté sur les pièces les plus intéressantes, les plus belles, au détriment des objets les plus grossiers, et aussi les plus communs. 

  Tous ces documents archéologiques ont été, par la suite, transférés, par Mr Revert au musée de l'homme à Paris. 

 Après le R.P Delawarde, le gisement de Paquemar, comme nous l'avons dit précédemment a également été exploré par le P. Pinchon, à partir d'avril 1945. Ses recherches sur ce site, ont été très fructueuses, comme il en témoigne dans son "introduction à l'archéologie martiniquaise"

  Le gisement de Paquemar, dit-il  nous a "livré des outils et des objets d'ornementation d'un art indiscutable"  et aussi " un certain nombre de beau pendentifs polis et souvent gravés"

  Ces collections archéologiques, celle du R.P Delewarde et celle du P. Pinchon, ne laissent, quasiment  pas  de doute  quant à la présence d'une civilisation pré-colombienne à Paquemar, comme cela est maintenant attesté pour Macabou.  





L'oratoire de Paquemar

  Depuis les travaux du R.P Delawarde et du P. Pinchon, aucune fouille sérieuse et moderne, n'a été entreprise à Paquemar. 

  Vu les fouilles de 2005 au Macabou, puis celles plus récentes sur le site de Sigy, nous pensons qu'il pourrait y avoir dans les années à venir, un regain d'intérêt pour le site de Paquemar qui a encore beaucoup de trésors à nous livrer. 



Fouilles modernes à l'habitation Sigy




Références bibliographiques

Reichlen Henry, Barrette Paule, Musée de l'homme, contribution à l'archéologie de la Martinique, le gisement du Paquemar, in journal de la société des Américanistes, Tome 33 - 1941

Pinchon Robert, Introduction à l'archéologie martiniquaise, in 
journal de la société des Américanistes, Tome 41 N°2  - 1952

d'Harcourt Raoul, collections archéologiques martiniquaises du Musée de l'Homme, in journal de la société des Américanistes, Tome 41  N°2  - 1952

J. Rennard, La Martinique - Histoire des paroisses, des origines à la séparation, Thonon-les-bains,  1951

Félix Renouard, M. Sainte-Croix, Statistiques de la Martinique, Paris 1822






jeudi 17 septembre 2015

La foi d'Abraham


Après ces choses, Dieu mit Abraham à l'épreuve, et lui dit: Abraham! Et il répondit: Me voici!  Dieu dit: Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac; va-t'en au pays de Morija, et là offre-le en holocauste sur l'une des montagnes que je te dirai. Gen. 22 : 1-2


  A la lumière d’un texte biblique étudié récemment, il me semble que le message de Dieu se comprend ou s’interprète, quelquefois,  selon la mesure de la foi de chacun.

Dans Gen. 22/2, le texte dont il est question, Dieu dit à Abraham :

« Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac, et va t’en au pays de Morija, et fais-le monter (וְהַעֲלֵ֤הוּ) là pour un holocauste »

Au hiphil, comme il est employé ici, le verbe עָלָה signifie littéralement : « faire monter »

Mais Abraham a une si grande confiance, une si grande foi en Dieu, qu’il comprend autrement  l’ordre divin. Il attribue au verbe עָלָה le sens particulier de : « offrir un holocauste » et comprend ainsi l’ordre de Dieu :

« Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac, et va t’en au pays de Morija, et offre-le(וְהַעֲלֵהוּ) là en holocauste »

Ainsi, un même texte biblique  peut revêtir un sens tout à fait différent et voire opposé, selon le degré de foi de chacun.


Manuel Sainte-Claire



mardi 15 septembre 2015

Thème grec de M. Sainte-Claire / Smyrne


Smyrne
    
   La beauté de son climat semblait influer sur celle des individus. Elle était une des villes qui revendiquent l’honneur d’avoir vu naître Homère. Un monument, élevé à sa gloire et qui portait son nom, présentait au milieu de la ville de vastes portiques, sous lesquels se rassemblaient les citoyens ; enfin leurs monnaies portaient son image, comme s’ils eussent reconnu pour leur souverain le génie qui les honorait. 

Citation de Voyage de M. de Choiseul dans Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, 2ème partie



Traduction

Περὶ Σμύρνης

   Ἐδόκει ἡ αἰθὴρ ταῖς ψυχαῖς τὴν εὐπρέπειαν αὐτῆς ἐνεργάζειν. Ἐκ τῶν γὰρ πόλεων τιμὴν ἑαυταῖς προσποιουμένων διὰ τὸ εἶναι τὸν Ὅμηρον γένος ἐξ αὐτῶν, καὶ ἦν. Μνημεῖον δὲ σταθὲν εἰς τὴν δόξαν αὐτοῦ ἐν ᾧ ἐπεγέγραπτο τὸ ὄνομα αὐτοῦ, μεγάλας στοὰς ἐν μέσῳ τῆς πόλεως εἶχεν ὑπὸ ὧν οἱ πολῖται συνήρχοντο· τέλος δέ, ἡ εἰκὼν αὐτοῦ ἦν  ἐπὶ τοῖς νομίσμασιν ὡς ἂν τὸν δεινὸν ἄνδρα ὃς τιμὴν ἔφερεν αὐτοῖς ὡς βασιλέα ἀποδέξωνται.

jeudi 10 septembre 2015

Thème grec de M. Sainte-Claire / Bacchus et le Faune


           Bacchus (1)  et le Faune (2)            

   L'enfant de Sémélé, pour étudier la langue des dieux, s'assit dans un coin au pied d'un vieux chêne. Auprès de ce chêne sacré se cachait un jeune faune qui prêtait l'oreille aux vers que chantait l'enfant et qui marquait à Silène par un ris moqueur toutes les fautes que faisait son disciple. Aussitôt, les Naïdes et les autres Nymphes du bois souriaient aussi. 

Fénélon

Τὸ τῆς Σεμέλης τὲκνον ὅπως τὴν τῶν θεῶν γλώτταν μαθήσεται, οὗτος κατ᾿ ἰδίαν ὑπὸ παλαιᾷ δρυΐ ἐκάθισεν. Παρὰ δὲ ἐκείνῇ τῇ  ἱερᾷ δρυΐ, νεός πὰν ἐκρύφθη ὃς τὰ ὦτα παρέχων ταῖς τοῦ τέκνου ᾠδαῖς καὶ Σειληνῷ ἐδείκνυ σκωπτικῷ γέλωτι πάντα τὰ σφάλματα τοῦ μαθητοῦ αὐτοῦ. Καὶ εὐθέως ἐμειδίων αἱ τε Ναΐδες καὶ αἱ ἕτεραι ὑλαῖαι Νύμφαι.


Notes
1. Bacchus - Fils de Jupiter et de Sémélé(Silène en grec)
2. Le faune est une créature légendaire de la mythologie romaine

mercredi 9 septembre 2015

REFLEXION SUR LA FOI






FOI ET RAISON 

   En quoi la raison peut-elle faire obstacle à la foi ? Nous pouvons définir la foi comme une attitude par rapport à l’idée. Une attitude positive très évidemment. Nous définissons, au contraire, la raison comme une démarche vers l’idée. La foi accepte l’idée sans chercher à la comprendre. La raison cherche à comprendre l’idée avant de l’accepter. Cependant, ni la foi ni la raison ne peuvent saisir l’idée. L’idée est insaisissable. La raison cherche à la saisir, tandis que la foi pense l’avoir saisie. La foi s’explique justement par l’impossibilité à saisir l’idée, car ce qui est saisi, ce dont la vérité est démontrée et prouvée ne peut plus être objet de foi. 

FOI ET CONNAISSANCE 

   La foi est un comportement intellectuel et pratique qui résulte soit de l’ignorance ou de la connaissance. Mais la foi n’est pas la connaissance. Elle n’est pas la connaissance d’une certaine réalité abstraite comme on voudrait  bien le faire croire. Il faut impérativement distinguer entre la foi et la connaissance.    

   La connaissance produit la foi, mais elle n’est pas la foi. La foi est issue de la connaissance non comme une image ou un reflet de la connaissance, mais plutôt comme une négation de la connaissance. Non seulement la foi hante la connaissance comme Sartre le disait du néant par rapport à l’être dans ce sens où c’est dans la connaissance qu’elle trouve sa réalité, mais aussi parce qu’elle(la foi) défie la connaissance. 

   La foi dans une réalité quelconque implique nécessairement une ou plusieurs réalités contraires à celle-ci. C’est la notion même de foi qui le veut. Je ne peux pas croire dans le contraire de ce que je crois, mais l’honnêteté m’oblige à reconnaître au moins le contraire de ce que je crois.  Reconnaître le contraire de ce que je crois n’altère ni n’anéantit ma foi. Au contraire, ma foi en dépend. Elle existe grâce à cette reconnaissance du contraire. Autrement, ma foi n’aurait plus de raison d’être.  

FOI EN DIEU

C’est bien par rapport à la nature de Dieu et non par rapport à son existence que le problème de la foi s’est jusqu’à maintenant posé. 

  Si, dans la réalité, le contraire semble être vrai, c’est tout simplement parce que l’on a volontairement confondu essence et existence de Dieu. Car autrement, comment pourrait-on comprendre l'incrédulité de celui pour qui l'existence de Dieu est une évidence ?  Or c’est bien ce monopole que chacun s’efforce de conserver, à savoir la réalité de l’existence de Dieu, car si la connaissance de la nature de Dieu est du domaine de la foi, son existence est bien une réalité. 

   Dieu existe, il est réel, et c’est cette réalité que chacun veut égoïstement s’approprier en faisant dépendre de sa nature la réalité de son existence.  L’existence de Dieu ne peut être objet de foi, car Dieu est une réalité. Le problème de la foi ne peut donc se poser que par rapport à la nature de Dieu. Mais ce n’est  pas la nature de Dieu qui est important. L'important c’est la réalité de son existence. La foi dans la nature de Dieu n’est que la conséquence ou le fruit de la réalité de son existence.  

   Quand Nietzsche écrit que Dieu est mort, c’est plus une certaine définition de sa nature qu’il nie que la réalité de son existence. Si Nietzsche était athée, c’est bien par rapport à la nature de Dieu et non par rapport à son existence. Or, puisque l’on a volontairement lié les deux notions, Nietzsche était donc athée. Mais l’était-il en réalité ? Bien sûr que non, puisque d’une part, il faut nécessairement distinguer entre l'essence de Dieu et son existence et que d’autre part, l’existence de Dieu n'est pas objet de foi. 

   Dieu existe car il est la réalité même de tout ce qui existe. Nier la réalité de Dieu, c'est croire au néant. Or le néant n’est pas possible. Dieu n'a qu'une définition : C'est comme nous venons de l’exprimer la réalité de tout ce qui existe. C'est donc, se nier soi-même que de nier la réalité de l’existence de Dieu. Je suis, donc, Dieu existe et Il est manifeste. 

   L’athéïsme, c’est à dire le fait de ne pas croire dans l'existence de Dieu, est donc un non-sens. l’existence de Dieu n’a pas à se prouver. C'est une réalité de fait. Mais son essence  non plus n’a pas à se prouver, car il est objet de foi. D'ailleurs, il ne peut pas non plus être prouvé, sinon il cesserait d’être objet de foi. 

   Aucune définition de la nature ou de l'essence de Dieu que l'on puisse donner ne peut être prouvée. Par exemple, Dieu peut être aussi bien l'être suprême  que la chose suprême ou autre. 



   D’ailleurs, la foi doit nécessairement accepter la diversité. Autrement, elle n'a plus de raison d’être et cesse ipso facto d'exister. Mais ce n'est pas nier l'existence de Dieu que  de remettre en question l’une ou l’autre de ces définitions, et reconnaître l'existence de Dieu, ce n'est pas non plus croire dans l’une de ces définitions. 

   Aussi, dans la mesure ou nous distinguons entre l'existence de Dieu et sa nature, et vu le fait que l’existence de Dieu est visible ou évidente, le théisme, c'est-à-dire le fait  d’avoir foi dans l’existence de Dieu, est également un non-sens, car ce qui est évident et visible ne peut être objet de foi. Ainsi, le problème de la foi en Dieu ne peut donc se poser que par rapport à sa nature et non par rapport à son existence.   

Manuel Sainte-Claire




mardi 1 septembre 2015

Comment se saluait-on dans la Grèce antique ?



Comment se saluait-on dans la Grèce antique ? C'est la question qui m'a été posée très récemment.

La réponse n'est pas très compliquée, car dans la Grèce antique, on se saluait exactement comme on le fait aujourd'hui. On se serrait la main, s'embrassait, s'étreignait, tout en s'informant des nouvelles de la personne qui était en face de soi, en le félicitant ou en l'encourageant. 

Voyons tout cela dans les textes. Mais tout d'abord, prenons connaissance du vocabulaire propre au salut grec. 


χαίρειν( verbe à l'infinitif)saluer, dire bonjour à quelqu'un


χαῖρε(impératif sing) et χαίρετε(impératif pluriel) salut, bonjour(ou adieu)

ἀσπάζομαι(embrasser)

ἀπασμός (embrassement, salutation, salut)

φίλημα(baiser)

Περιλαμβάνω(entourer de ses bras, embrasser)


Quelques textes, maintenant, pour confirmer ce qui a été dit au début, à savoir que les Grecs se serraient la main et s’embrassaient, comme on le fait aujourd’hui.

τοὶ δὲ χαρέντες δεξιῇ ἠσπάζοντο ἔπεσσί τε μειλιχίοισι
Ceux-ci enchantés leur serrèrent affectueusement la main et leur adressèrent de douces paroles) Hom. Il. 10/541

περιλαβὼν αὐτὸν ἠσπάσατο
il le serra tendrement dans les bras) Dem.

ΑΙΓΕΥΣ
Μήδεια͵ χαῖρε· τοῦδε γὰρ προοίμιον
κάλλιον οὐδεὶς οἶδε προσφωνεῖν φίλους.
ΜΗΔΕΙΑ
ὦ χαῖρε καὶ σύ͵ παῖ σοφοῦ Πανδίονος͵

ÉGÉE
Médée, salut. Nul ne sait de plus beau préambule pour adresser la parole à des amis.
MÉDÉE
Salut à toi aussi, fils du sage Pandion
(Eurip, Médée 663)

Ὡς δὲ ἀφίκετο τάχιστα καὶ ἔγνω ὁ Κῦρος τὸν ᾿Αστυάγην τῆς μητρὸς πατέρα ὄντα, εὐθὺς οἷα δὴ παῖς φύσει φιλόστοργος ὢν ἠσπάζετο τε αὐτὸν ὥσπερ ἂν εἴ τις πάλαι συντεθραμμένος καὶ πάλαι φιλῶν ἀσπάζοιτο

Aussitôt qu’elle est arrivée et que Cyrus sait qu’Astyage est le père de sa mère, à l’instant même, entraîné par sa nature d’enfant aimant, il l’embrasse comme on embrasserait quelqu’un avec qui l'on aurait été nourri et qu’on aimerait depuis longtemps.
(Xén. Cyr. 1.3.2)

Pour comparaison, voyez ce texte biblique. A l’époque chrétienne, le baiser de l’époque classique, était devenu un saint baiser.

Ἀσπάσασθε ἀλλήλους ἐν ἁγίῳ φιλήματι
(saluez-vous les uns les autres par un saint baiser) 2 Corint 13/12


Manuel Sainte-Claire 








jeudi 6 août 2015

La place de ὅτι ἔχων ληρεῖς dans un texte de Platon(Georgias(497 a,b) - Manuel Sainte-Claire



Tout d’abord, voici le texte en question :

Καλλίκλης
οὐκ οἶδ᾽ ἅττα σοφίζῃ, ὦ Σώκρατες.
Σωκράτης
οἶσθα, ἀλλὰ ἀκκίζῃ, ὦ Καλλίκλεις: καὶ πρόιθί γε ἔτι εἰς τὸ ἔμπροσθεν, ὅτι ἔχων ληρεῖς ἵνα εἰδῇς ὡς σοφὸς ὤν με νουθετεῖς. οὐχ ἅμα διψῶν τε ἕκαστος ἡμῶν πέπαυται καὶ ἅμα ἡδόμενος διὰτοῦ πίνειν;
Καλλίκλης
οὐκ οἶδα ὅτι λέγεις.

Certains pensent qu’il est mieux de lire : ὅ τι ἔχων(Heindorf) , et d’autres, comme Alfred Croiset, τί ἔχων.

Pour les uns, il faut placer ὅτι ἔχων  ληρεῖς  exactement là où il se trouve dans le texte, c'est-à-dire, entre ἔμπροσθεν et ἵνα εἰδῇς, tandis que pour d’autres, sa place se trouve après la réponse de Calliclès οὐκ οἶδα ὅτι λέγεις. Alfred Croiset, s’inspirant de Badham qui « haec Callicli tribuit » le place bien entre ἔμπροσθεν et ἵνα εἰδῇς, mais attribue ces paroles, non à Socrate, mais à Calliclès. Et puis, il y en a d’autres qui l’ignorent tout simplement. D’ailleurs, pour AP Lemercier, ὅτι ἔχων  ληρεῖς  est un passage corrompu.

Voyons maintenant quelques traductions. Tout d’abord, celle de Victor Cousin(Bossange frères – Paris)

Calliclès
Je ne sais quels raisonnements captieux tu emploies, Socrate.
Socrate
Tu le sais très bien ; mais tu dissimules, Calliclès, assurément. Avançons, car tout ceci n'est qu'un badinage de ta part; il faut que tu voies combien en effet ta sagesse te donne le droit de me reprendre. Ne cesse-t-on pas en même temps d'avoir soif et de sentir le plaisir qu'il y a à boire?
Calliclès
Je n'entends rien à ce que tu dis.

Une autre traduction, est celle d’Alfred Croiset et de Louis Bodin(collection Budé – 1984)

Calliclès
Je ne comprends rien à tes sophismes, Socrate
Socrate
Tu comprends fort bien, Calliclès ; seulement, tu fais l’ignorant. Mai continuons d’avancer
Calliclès
Où tendent ces sornettes ?
Socrate
A te démontrer quel habile homme tu es, toi qui me reprend. N’est-il pas vrai qu’au moment où nous cessons d’avoir soif, chacun de nous cesse de prendre plaisir à boire ?
Calliclès
Je ne sais ce que tu veux dire

Et pour terminer, une traduction en Anglais, celle de W.R.M. Lamb(Cambridge, MA, Harvard University Press; London, William Heinemann Ltd. 1967)
Callicles
I cannot follow these subtleties of yours, Socrates.

Socrates
You can, but you play the innocent, Callicles. Just go on a little further, that you may realize how subtle is your way of reproving me. Does not each of us cease at the same moment from thirst and from the pleasure he gets by drinking?

Callicles
I cannot tell what you mean.

Vous auriez noté le choix de Lamb, d’ignorer complètement ὅτι ἔχων ληρεῖς dans sa traduction.

Par conséquent, comme nous le constatons, ce n’est pas chose simple de situer ὅτι ἔχων ληρεῖς, dans ce texte de Platon. Chacun y va à sa manière.

Pour ma part, je préfère lire, avec A. Croiset : τί ἔχων ληρεῖς, et placer ces paroles dans la bouche de Calliclès, qui tout au long de son intervention a toujours reproché à Socrate de dire des niaiseries, de délirer. Cf 481b où Calliclès demande à Socrate s’il est sérieux ou pas. Voir aussi :  489b, 491d, (« tu dis folie sur folies »), 497b, etc.
Et voilà la réponse de Socrate :  « ἵνα εἰδῇς ὡς σοφὸς ὤν με νουθετεῖς »  litt. « Pour que tu vois combien sage étant, me reprenant »
ὡς σοφὸς ὤν , Socrate fait allusion à la sagesse de Calliclès . Cf 487a, « Je rencontre des gens qui ne sont pas capables de m’éprouver, faute d’être savant comme tu l’es. Voir aussi 486d, e, etc.

Je ne saurais terminer cette brève étude sans vous livrer ma traduction personnelle. J’ai essayé de la rendre moderne et vivante. A vous d’en juger !!

Calliclès - Tout ce discours philosophique, me dépasse, Socrate,
Socrates - Rien ne te dépasse, Galliclès, c’est tout simplement que tu joues à l’ignorant.
Calliclès : Pourquoi délires-tu ainsi(τί ἔχων ληρεῖς ;)
Socrate : Pour te permettre de tester ta sagesse dans ce face à face. D’ailleurs,  n’est-il pas vrai que le fait d’étancher notre soif, nous prive, en même temps, du plaisir de boire ?
Calliclès - Alors là, je suis perdu !