L'habitation Paquemar au début du 20è siècle
Je dédie cette étude à la famille PAQUEMAR du Vauclin
La région du Vauclin est bien connue pour ses nombreux sites archéologiques de la période esclavagiste et post-esclavagiste, et même de la période pré-colombienne, comme l'atteste le P. Pinchon.
De Paquemar, en remontant vers le Nord, les sites archéologiques, écrit le Père Pinchon, sont très nombreux. "Nous en avons découvert en 1949 et 1950 à Massy-Massy, ainsi qu'auprès de la mare de Château-Paille, et sur le plateau avoisinant"
Mais c'est le site de Paquemar qui possède le gisement archéologique le plus riche. A ce propos, voilà ce qu'en dit le P. Pinchon :
"Le gisement le plus typique de cette civilisation Karib est incontestablement celui de Paquemar, situé le plus au sud de l'île. Le village était bâti au niveau de la mer, tout près de la rivière du même nom, dans le fond d'une anse bien abritée. Il constitue l'habitat le plus important de cette époque"
L'habitation Paquemar se situe entre le Vauclin et le Marin, à environ 2 Km après le bourg du Vauclin.
Sur l'origine même du nom Paquemar, nous n'en savons rien. Nous n'en avons aucune indication précise dans les archives. Nous avons donc essayé de comprendre quel pouvait être l'origine de ce nom. Nous savons que la Martinique a d'abord été colonisée par les Espagnols, au début du 16è siècle. La colonisation française a commencé beaucoup plus tard, au 17è siècle. Par conséquent, Il est probable qu'on ait eu, à l'origine, "parque del mar", indiquant l'emplacement d'un arsenal. C'est le sens du mot "parque" en espagnol. Dans sa forme abrégée, on serait arrivé à "parque mar" en deux mots, puis à "parquemar". Sous l'influence du français et aussi du créole, on aurait assisté à la chute du premier "r", et de "parquemar" on serait passé à "paquemar",(Comparez le créole "Paquema" ou le "r" final a, lui aussi, totalement disparu) puis probablement dans une tentative de francisation du mot, à "paquemart", comme cela est attesté au début du 18è siècle, et finalement à la forme "Paquemar" que nous avons actuellement. Mais ce n'est là qu'une hypothèse, qui nous paraît quand même assez probable.
Certains attribuent la construction de Paquemar à l'oeuvre des Jésuites. Mais, il n'existe aucune certitude historique quant à cela. Par contre, ce qui est sûr, c'est que Moreau du Temple, ingénieur et géographe du roi, signale l'habitation Paquemar, sur une carte dessinée en 1770 et dans son ouvrage "Histoire des Paroisse" J. Rennard parle d'une revendication, en 1712, des "habitants... du Vauclin et de Paquemart"(avec bien un "t" final), pour la création d'une nouvelle paroisse au Vauclin.
Le lieu aurait d'abord été habité par les Amérindiens, avant l'installation des colons au cours du 16è siècle, et ensuite par les esclaves africains.
Pour ce qui est du patronyme Paquemar, nous avons observé que ce nom de famille semble inconnu en France métropolitaine, jusqu'à la fin du 19è siècle, début 20è, à peu près. Donc, il nous semble fort peu probable qu'il soit d'origine française.
En revanche, ce nom de famille est assez fréquent en Martinique, et principalement dans la partie sud de l'île(Vauclin, Marin). D'ailleurs, d'après nos recherches, ce patronyme ne serait associé, au 19è siècle qu'au seul territoire français de la Martinique. Donc, en dehors de toute preuve historique évidemment, nous pensons qu'il aurait été attribué à des esclaves habitant sur l'habitation lors de leur affranchissement, avant 1848 ou à partir de cette date au moment de l'abolition de l'esclavage.
En 1822, Félix Renouard recense à Paquemar une sucrerie appartenant aux frères Perpigna.
Au début du 20è siècle, avec sa distillerie et ses nombreux ouvriers agricoles, l'habitation Paquemar, gérée par la famille Asselin, était encore très vivante. Aujourd'hui, l'activité économique de Paquemar tourne autour de l'agriculture, mais principalement autour de l'exploitation de sa carrière.
Maison appartenant à la famille Asselin à Paquemar
En décembre 1938, M. E Revert, accompagné du R.P Delawarde, et de Mr. Guy de Reynal, recueille sur l'habitation Paquemar quelques pièces fort intéressantes. Cette première fouille, qui en réalité, n'était qu'une "prospection légère au cours d'une promenade", comme le dit Mr. De Reynal, puisqu'elle n'a été faite qu'en surface dans la terre végétale, à une profondeur inférieure à 20cm, et n'a duré que quelques heures, sera suivie par d'autres fouilles, beaucoup plus longues, réalisées par le P. Pinchon.
Le gisement de Paquemar, selon les informations fournies par Mr Revert "se trouve à une centaine de mètres de la route coloniale et occupe la partie centrale d'un champ labouré où l'on aperçoit une légère élévation de terrain de 30 à 40 cm parsemée de nombreux coquillages de toutes grosseurs, sans que l'on puisse parler pour cela d'un véritable amas coquiller."
Les pièces recueillies en 1938, sont tout simplement des débris d'objets de la vie quotidienne. Ce sont des restes de poterie, de céramique, très remarquables d'ailleurs, diverses figurines, des outils en pierre ou fabriqués à partir de conques de lambis, des fragments de statuettes, des morceaux de carafes, de vases, des pesons de fuseaux, etc.
Vu la richesse du site, nous supposons que le choix des pièces recueillies n'a pas été facile. Le choix s'est porté sur les pièces les plus intéressantes, les plus belles, au détriment des objets les plus grossiers, et aussi les plus communs.
Tous ces documents archéologiques ont été, par la suite, transférés, par Mr Revert au musée de l'homme à Paris.
Après le R.P Delawarde, le gisement de Paquemar, comme nous l'avons dit précédemment a également été exploré par le P. Pinchon, à partir d'avril 1945. Ses recherches sur ce site, ont été très fructueuses, comme il en témoigne dans son "introduction à l'archéologie martiniquaise"
Le gisement de Paquemar, dit-il nous a "livré des outils et des objets d'ornementation d'un art indiscutable" et aussi " un certain nombre de beau pendentifs polis et souvent gravés"
Ces collections archéologiques, celle du R.P Delewarde et celle du P. Pinchon, ne laissent, quasiment pas de doute quant à la présence d'une civilisation pré-colombienne à Paquemar, comme cela est maintenant attesté pour Macabou.
L'oratoire de Paquemar
Depuis les travaux du R.P Delawarde et du P. Pinchon, aucune fouille sérieuse et moderne, n'a été entreprise à Paquemar.
Vu les fouilles de 2005 au Macabou, puis celles plus récentes sur le site de Sigy, nous pensons qu'il pourrait y avoir dans les années à venir, un regain d'intérêt pour le site de Paquemar qui a encore beaucoup de trésors à nous livrer.
Fouilles modernes à l'habitation Sigy
Références bibliographiques
Reichlen Henry, Barrette Paule, Musée de l'homme, contribution à l'archéologie de la Martinique, le gisement du Paquemar, in journal de la société des Américanistes, Tome 33 - 1941
Pinchon Robert, Introduction à l'archéologie martiniquaise, in
journal de la société des Américanistes, Tome 41 N°2 - 1952
d'Harcourt Raoul, collections archéologiques martiniquaises du Musée de l'Homme, in journal de la société des Américanistes, Tome 41 N°2 - 1952
J. Rennard, La Martinique - Histoire des paroisses, des origines à la séparation, Thonon-les-bains, 1951
Félix Renouard, M. Sainte-Croix, Statistiques de la Martinique, Paris 1822